Biographie

Les récits de la révolution française ont trop souvent occulté le rôle des femmes dans cet événement historique, soit en les faisant tout bonnement disparaître des récits, soit en les taxant de folles hystériques. La “Belle Liégeoise” n’y a pas échappé. Révolutionnaire radicale, féministe avant l’heure, remettant en question les acquis et privilèges des hommes, son “cas” oscillait entre tueuse sanguinaire, femme de mauvaise vie, extravagante furie et catin, ou folle par excès révolutionnaire.

Anne-Josèphe Théroigne (Terwagne) est née en 1762 dans une modeste famille paysanne. Si elle est peu (re)connue dans son pays natal, en Belgique, elle est pourtant une figure importante de la révolution française ! Dans un premier temps éprise de scène et visant une carrière de chanteuse, elle a voyagé en Europe pour se former. Elle a assez vite délaissé cette carrière car les révolutions l’appelaient.

La “Belle Liégeoise”, comme la surnommaient ses amis, a fondé et participé à divers salons de réflexion politique. À l’heure de prendre les armes, on dit d’elle qu’elle s’habillait en amazone¹. On l’a aussi accusée de diriger la marche des femmes vers la Bastille (mais ce fait n’est pas vérifié). Aux côtés d’Olympe de Gouges, elle revendiquait l’extension des droits civiques pour les femmes. À cette époque, ses détracteurs lui prêtaient des mœurs légères et une vie dissolue. Alors même qu’elle était issue d’une famille de paysans liégeois, les révolutionnaires français lui ont accolé une particule ainsi que le nom de son village “de Méricourt” (Marcourt) pour mieux semer le doute sur ses origines. Elle a finalement choisi de conserver ce sobriquet, de se l’approprier et d’en faire un atout.

En 1790, elle est revenue dans sa région natale, où un comité d’accueil belgo-français l’a envoyée en prison par crainte de propagation des idées révolutionnaires. À sa libération, elle est retournée en France (1792) pour continuer la lutte. Elle y a revendiqué le droit pour les femmes de prendre les armes, de voter, de constituer et de participer à des assemblées².

Elle ne faisait cependant pas l’unanimité au sein du mouvement révolutionnaire, étant d’obédience girondine. C’est d’ailleurs un groupe de femmes jacobines qui l’a humiliée et fouettée en public au printemps 1793 (un passage à tabac en somme)³. Cet événement serait à l’origine de sa fin de vie malheureuse. Théroigne ne s’en serait jamais remise. Fin 1794, elle est déclarée folle et a terminé sa vie dans un asile psychiatrique, pauvre et maltraitée, avec quelques moments de lucidité durant lesquels elle n’a de cesse de parler de la révolution. Le diagnostic de l’époque lui a attribué un “excès révolutionnaire”, dommageable pour sa santé. Elle est morte seule et enfermée en 1817, ayant passé la moitié de sa vie internée par des hommes de son entourage (son frère notamment)⁴.

Théroigne est et restera une figure marquante, elle aurait inspiré le tableau d’Eugène Delacroix « La liberté guidant le peuple ». Baudelaire lui a dédié a posteriori un poème dans Les Fleurs du Mal⁵. Hilary Matel en a tiré un des personnages de son roman A place of greater safety. Elle est un des personnages du jeu vidéo Assassin’s creed. Mais le Codeco n’a pas jugé opportun de s’en inspirer…